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jeudi 13 août 2009

Age

Nous avons deux studios, qui se font face, le long d’un passage extérieur dont un des escaliers mène à la plage. La densité de logement est raisonnable. Une vingtaine à mon avis, pas de vis à vis. Personne au dessus, rien qu’un toit, un couple de femmes âgées à côté. L’un d’elle ne serait pas contente de se savoir traitée de femme « âgée ». A soixante ans on est encore jeune, il le faut. Comme si l’âge était une maladie honteuse que l’on cache, que l’on tait.

A ce sujet d’ailleurs, j’ai 45 ans. Je n’ai jamais écrit mon age ici. Je n'aime pas donner des renseignments trop précis. Je crois qu’il n’y a pas plus de 5 ans que je découvre les plaisirs simples et en même temps la dégradation de certaines de mes facultés. Ma vue baisse. Mon ouie baisse. Mon odorat est moins sensible. Je pense qu’il n’y a pas un seul de mes sens qui ne s’atrophie pas. Je récupère des fatigues physiques plus lentement. Je dors moins.

Autour de moi, les gens vieillissent aussi. On remarque plus facilement chez les autres les signes de l’usure du temps. Mes enfants grandissement. J’en éprouve un mélange de joies et de craintes. Jusque là, j’ai réussi à les guider, à les accompagner, à les supporter (leur donner un support), à leur transmettre quelques idées, quelques goûts. Mais il va falloir qu’ils avancent seuls maintenant ou bientôt. Pour les plus grands, c’est certain, nous y sommes. Et les fissures que je vois, comme autant de preuves de fragilité, me font peur parfois. Pour les autres, j’espère avoir encore des forces et des moyens pour les 10 à 15 ans qui viennent.

Pourtant, il n’y a pas que des inconvénients à avancer dans l’age. La « sagesse » n’est pas qu’un mot pompeux, « l’expérience » est une réalité. Je ne développerai pas ce que l’age peut apporter comme richesses, à soi, et aux autres. Notre société fait ce qu’elle peut pour les effacer et il faut un peu de curiosité pour les découvrir. Il faut savoir s’écarter du discourt sur le coût de la retraite et des frais de santé des « seniors », de tout un ensemble d’informations qui démontre clairement que le « vieux » ne « «créé pas de richesses », n’a pas de « valeur ajoutée ». Et même si je suis contre le fait de prolonger la vie aux dépends de la dignité, je pense qu’il y a un réel danger à faire du « jeune » et du « beau » des valeurs de référence. Nous commençons tout juste à en ressentir les effets. Mais il y a fort à parier que tant qu’une des qualités principales sera d’être un « consommateur », la première étant d’être vivant – sauf pour les artistes pour lesquels la valeur et la notoriété croissent avec la brutalité ou le tragique de la disparition – la tendance ne sera pas freinée. Consommer comme un jeune et beau spécimen des produits et services pour les jeunes et beaux spécimens afin de rester jeune et beau (et l'on ne parle pas que de produits de beauté mais aussi de voitures, d'activités, de vêtements, d'habitudes comportementales...). Quand on sait la brièveté de l’état de jeune et beau (l’état de beau n’étant même pas donné à tout le monde) on imagine la frénésie de consommation qui en découle et la grande frustation des plus lucides quand ils découvrent la supercherie.

Notre séjour tire à sa fin. Et c’est avec étonnement que je me rends compte que je n’ai pas envie de rentrer. Je voudrais voir encore la mer, le petit bout de lande, la forêt de pins, le ciel bleu, la silhouette des montagnes et même la plage, vide de ces masses humaines occupantes.
Masses humaines. La plage est plutôt familiale. L’espace entre les groupes est presque vaste. Rien qui ne ressemble à certaines plages du côté de Marseille où chacun ne dispose que d’un mouchoir de poche pour poser son cul, plus ou moins bronzé, plus ou moins volumineux. Non, ici on peu s’étaler. D’ailleurs certains s’étalent vraiment, je veux dire par là qu’ils se répandent en chaires flasques et trop nourries. Pour avoir un peu voyagé, ce n’est pas tant le fait que nos corps d’habitants de pays riches possèdent des bourrelets graisseux à des localisations qui varient d’un sexe à l’autre qui me gène, c’est plutôt qu’ici nous avons des bourrelets ou devons faire des efforts considérables pour ne pas en avoir et que dans beaucoup de partie du monde les corps sont minces quand ils ne sont pas maigres.
Ceci dit, sur une plage familiale, le jeu de la séduction est limité. Le mâle et la femelle humaine ont un compagnon. Limité mais pas inexistant (voir un des articles précédents).

Nous sommes donc deux groupes. Les filles, la mienne, celles de mon amie, sont dans un des studios. Ma-dame, mon fils et moi sommes dans un autre. Il y a deux chambres par logement. Il y a un mini coin salon qui me permet de veiller ou de me lever tôt sans gêner les autres. La banquette se transforme aussi en lit d’appoint. Lorsque j’éprouve le besoin de lire ou de dessiner à l’heure où les « honnêtes » gens dorment, j’occupe la place, et lorsque le sommeil m’envahit, je déplie la banquette. La chaleur fait que l’on limite au minimum le contact avec une autre peau : ne pas faire lit ou chambre commune n’est pas un problème. Je laisse porte et fenêtre ouvertes. Parfois un peu d’air se faufile dans le logement. Parfois, il est accompagné du bruit du flux et reflux de la mer toute proche. Parfois, quand les vents sont contraires, c’est le bruit d’une boite de nuit, pourtant lointaine, qu’ils amènent. Rythmes binaires, basses lancinantes et vers 4h30, cris de bêtes alcoolisées et crissement de pneus. C’est aussi à cette heure là que l’on entend les sirènes des secours, issue tragique d’une soirée trop arrosée ou trop « ectasyante ».

Les enfants ne partagent pratiquement que les repas avec nous. Le « club d’ado » du « centre » propose des activités variées. Les filles en sont tomber dépendantes dés la première semaine. Mon fils a passé la première semaine entre sa chambre et la plage. Mais le club l’a rattrapé, en la personne des « copains » des filles, lors d’une soirée dansante où elles nous avaient traîné. Et j’avais traîné mon fils. Depuis, inutile de le traîner. Il est comme les autres et attend avec impatience les rendez-vous fixés par le club ou les copains.

Bien souvent, nous prolongeons notre présence à table avec ma-dame, après avoir autorisé les enfants à « s’égayer » dans la nature. Petit moment de notre vie de couple que nous savourons.

6 commentaires:

FD-Labaroline a dit…

J'avais commencé hier un commentaire sur le billet précédent, puis une panne de blogger au moment de l'éditer... du coup je réponds doublement ici.
"la jungle"...ça me parle, voilà exactement ce que nous fuyons en habitant loin des grandes villes, en "rurbanité", voilà pourquoi nos enfants sont scolarisés dans cette nouvelle ruralité des urbains e voilà pourquoi nos vacances se passent également loin de la foule : afin de nous permettre de faire passer sans trop d'interférences les valeurs auxquelles nous croyons. Moins d'exemples quotidiens, moins de tentations...
Quant à la reflexion sur l'âge, d'une part pour rien au monde je ne reviendrais en arrière, ma vue baisse également mais mes doutes sont moins existentiels, j'ai répondu laborieusement à nombres de mes questions, il me reste encore quelques certitudes mais une plus grande écoute du monde et des autres. Promouvoir le "jeune et beau" comme une panacée est effectivement une grande hypocrisie alors que la société (économique, sociale...)ne leur laisse pas de place... alors que les "mercateurs" s'accordent tous à trouver le néo-retraité comme celui ayant le plus fort pouvoir d'achat ... faut savoir être cohérent (mais notre société l'est-elle ?!!)
Bonne fin de vacances... et bon atterrissage "in real life" ;-)
Prenez du temps pour vous retrouver, la Dame et toi...

tanette a dit…

Pour l'âge (j'en ai 64...oui à 60 ans on est encore jeune hi hi..) La vie ne m'a pas épargnée mais...qui n'a pas eu à vivre des expériences difficiles ???... comme FD je n'aimerais pas revenir en arrière, malgré "des bourrelets" et..des "oublis" de plus en plus fréquents qui me font perdre du temps et de l'énergie j'aime cette période de ma vie.
Continue d'inculquer à tes enfants les vraies valeurs, ils t'en seront reconnaissants un jour même si maintenant ils ont l'impression d'être brimés.
Bonne fin de vacances et courage pour remettre "le pied à l'étrier."

Anonyme a dit…

"...Et j’avais traîné mon fils."

Tu écris vraiment bien quand tu écris ces "petites" choses.

Des images subtiles, justes et bourrées d'humour qui donnent envie d'éclater de rire.

Quand tu es TRES sérieux, c'est bien aussi c'est sûr...
(45 ans ! ah quand même...)
:)))

Poil à gratter :)

Le Père Qui Recompose a dit…

FD : Atterrisage réussi, de retour dans la "real life"... shit.

Tanette : Je dirai stupidement que j'espère avoir ton énergie quand j'aurai 64 ans (si je les ai un jour bien sûr).

Manderley : je conviens que remue-méninges (non pas d'erreur) aurait été mieux que poil à gratter...Quoi que... ;-)
merci pour le compliment.

Anonyme a dit…

Brainstorming ?

Anonyme a dit…

Non, pas brainstorming dans le sens anglophone du terme. Remue cervelle, qui fait se remettre en question, se poser des questions. Capisci?

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