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mercredi 6 janvier 2010

La nouvelle année

Avant il y a eu Noël. Et les cadeaux à faire. Et les courses à faire. Et la semaine qui n’existe toute entière que pour cet évènement.

Dans l’ordre.
Mon père est venu la semaine d’avant, en train. Il neigeait fort.
J’ai voulu prendre la voiture. Erreur. Après avoir rebondi sur un trottoir nous avons opté pour le train. Celui qui va de notre ville de province à la grande grande ville. Nous étions en avance, le TGV en retard, nous avons fait des boutiques. J’étais avec 2 de mes filles : la plus grande et la plus jeune.
Repas dans une brasserie. Moment de détente. Images qui resteront dans ma mémoire. Moments fragiles, destinés à disparaître à tout jamais.

Nous avons repris le train avec mon père et sa valise de 1970. Il était content. Racontait sa vie à tous en parlant haut et fort. Les autres voyageurs baissaient la tête. Je somnolais.

J’avais mes enfants jusqu’au 24 au matin. Pas pratique pour fêter Noël. Nous avons fait ça le 23 au soir. Grande majeure à passer 11h à cuisiner, sur deux jours. Délicieux. Avant le repas, un clash. Il restait 3 minutes de « plus belle la vie ». J’aurais aimé que le repas du jour d’avant le réveillon de Noël soit prioritaire sur cette niaiserie. Ce ne fut pas le cas. Ma-dame – avec la bonne excuse que mon père regardait aussi (papa, je suis surpris ! Tu crois que moi aussi je regarderai si j’ai un jour ton âge ?). L’ambiance a été plombée pour le reste de la soirée.

J’ai déposé mes enfants le 24 au matin chez leur mère en essayant d’éviter mon ancienne famille par alliance. Pas le cœur de les voir tous ensemble.

Nous avons discuté avec ma-dame. Rabibochage. Je ne sais pas ce qui m’a fait plier. Quand j’y réfléchis… j’évite d’y réfléchir !
Le soir, le 24, nous sommes allés chez les parents de ma-dame, avec mon père et une des tantes de ma-dame. Agréable soirée.
Le 25, une de ses sœurs arrivaient avec ses enfants. Journée agréable encore. Mon père était bien. Moi aussi. J’ai dormi.

Retour à la maison le 25 au soir. Peu de choses. Des repas avec mon père, peu de discussions (nous n’avons pas grand-chose à nous raconter, mais nous sommes bien ensemble maintenant).

Il est reparti le Dimanche.

Suite du message … un autre jour. Entre temps j’ai lu vos messages. Merci Mesdames. Je vais répondre mais en attendant je continue celui-ci.

Parenthèse.
Je suis caché derrière mon ordinateur. Je peux me montrer comme je suis vraiment. Comme je suis et comme je ne me montre jamais dans la vraie vie. Sensible, écorché vif. Voir mon père vieillir me fait mal. Un jour ou l’autre je vais le perdre. Tout ce que je souhaite c’est partir avant de perdre trop de personnes que j’aime. Mais je ne veux pas partir « tôt » pour autant. Mais partir avant les autres. Lâche aussi je suis donc.
Fin de la parenthèse.

Donc Noël ne ressemble plus à rien. C’est un fait. Qu’est-ce qu’une fête familiale quand même la notion de famille est devenue floue. Rien n’a d’importance mais tout est important (je sais c’est compliqué, mais je me comprends parfaitement bien).

Il est parti Dimanche et j’étais ému. Voir sa silhouette monter dans le train, laisser passer les dames, c’est un gentleman, il m’a appris la galanterie. Laisser passer les gens chargés, il est poli, il m’a appris. Mon petit père, je me rends compte que tu m’as appris plein de choses finalement. Je me demande aussi si cette façon que tu as de ne pas abuser du privilège que l’âge te donnerait n’est pas une façon de le refuser ? Sans doute. Et sans doute suis-je comme toi. La mort, la vieillesse. J’en ai peur. Et je devine que tu en as peur aussi. D’ailleurs quand tu me dis que tu ne regrettes pas ta vie, n’est-ce pas une façon d’avouer que tu sais que tu ne gagnera pas ce dernier combat ? Forcément, on vieillit. Forcément, on approche de la mort. Elle vous frôle parfois. Elle vous frôle plusieurs fois parfois dans une vie. Mais finalement, un jour, elle gagne. Elle gagnera toujours.

Je voudrais savoir décrire les émotions, les ambiances avec des mots seulement. C’est dur. C’est comme vouloir attraper de la fumée. On approche la main et la forme du nuage en est transformé. Comment saisir l’impalpable ? Comment saisir le « volatile » ?

Pour le nouvel an, nous avions les plus jeunes demoiselles. Ma fille et les filles de ma-dame. Quatre couples d’amis ou amis d’amis. Quatre adultes et dix enfants. Les adultes ensemble, les enfants dans un autre bâtiment. Une dépendance transformée en petite maison d’amis. Il fallait se déguiser un peu. Ma-dame est arrivée en pétasse. Pas en pute. En pétasse : Robe moulante, maquillage outrancier, talons hauts, bas résille. Moi en mi-macro mi-mauvais garçon : costume rayé foncé, chemise rose grande ouverte sur torse poilu, col sur la veste, pompes claires, gomina, gros anneau d’oreille. Il y avait un couple que nous ne connaissions pas. Il a fallu leur expliquer que ce n’était pas notre tenue classique. Ça faisait « vrai ». Comme quoi, il est facile d’endosser un rôle. C’est en fait ce que je fais au bureau tous les jours. C’est ce que je fais quand je rencontre des clients et que je m’habille en personne « importante », en « responsable ». Là, j’étais un autre gars prétentieux, fier de lui, fier de son machisme et de son arrogance. Un autre genre de con. C’est bon finalement de changer de rôle de con. Certes, c’est toujours un rôle de con, mais s’en est un autre. L’habit fait le moine.

Il faut que j’explique aussi la nouvelle configuration à la maison.
La salle commune d’ordinateurs n’existe plus. C’est maintenant mon bureau. Mon coin. L’endroit ou je travaille, dessine, fais de la mauvaise musique, écris. Mon antre. Ma caverne.
C’est bon.

Les ordinateurs ont été ventilés dans les chambres. Ça se passe bien. Sans excès. Pas d’abus jusqu’à présent.

Je respire d’avoir un refuge. Un endroit à moi.

Il faut aussi que je dise que quand mes enfants sont là, le dors en bas. Ils sont en bas si vous avez suivi. Les filles de madame en haut, au même étage que notre chambre. Je dors en bas, avec mes deux plus jeunes. Ma-dame le comprend. Elle l’accepte. De toute façon nous n’avons pas les mêmes horaires. Pas le même rythme de vie. Cela ne pose aucun problème. Et plutôt que de marquer plus fortement encore les clans, cela à au contraire adouci les choses. Mes enfants me voient proches d’eux. Pas de jalousie.

Cette situation est difficile à expliquer à d’autres. Forcément, un couple qui ne dort pas ensemble est un couple qui va mal. Faux. Il faut sortir des schémas archaïques et des idées préconçues. Surtout pour aborder la vie des familles recomposées, la vie des cohabitants par amour, des cohabitants inconscients.

Je vis une semaine en bas et une semaine en haut. J’y trouve mon équilibre et par conséquent notre groupe de cohabitants aussi.

Voilà, c’est ainsi que commence cette nouvelle année pour nous.

Pour finir, je voudrais vous conseiller d’écouter l’album « as if to nothing » de Craig Armstrong. Et en particulier les chansons « Snow » et "Stay (faraway, so close)". Surtout "snow" pour lire la partie de ce message qui commence par « il est reparti dimanche ». Ne cherchez pas de rapport avec les paroles. Laissez-vous porter. Les mots doivent parfois seulement être entendus comme une mélodie, la voix comme un instrument.

Merci.