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samedi 7 août 2010

Mirage

Bon. Nous y sommes donc.

Soyons positifs et lucides : tout va bien, tout tourne rond.
Soyons juste lucides : Tout tourne rond… sauf moi.
Et en étant réaliste et toujours lucide : Un vieux con, c’est certain. C’est ce que je suis devenu ou peut-être l’ai-je toujours été. Un vieux con qui a perdu ses illusions sur le tard, après ses quarante ans. Car quand je me demande ce qui pourrait me plaire, je ne trouve rien qui puisse me servir de but pour la suite. Il y a bien des petites choses qui sur le coup me redonnent un peu de volonté et le désir de continuer à ma demander s’il reste des choses à découvrir. Un dessin, un morceau de musique. Mais est ce que cela justifie le fait d’essayer de durer ? L’entourage, c’est ça, il ne faut pas oublier l’entourage. Je me fais un pense bête. Réflexion faite, l’entourage, c’est mon seul et unique but réel et quand je dis l’entourage, ce sont mes enfants, la femme qui m’accompagne… et mon père !


Les vacances. Merveilleuse arnaque. Indispensable arnaque. Comment ferions-nous sans elles ? Comment faisaient-ils nos aïeux qui n’en avaient pas ? Et nous, maintenant, nous avons cette carotte, ce mirage. Tenir jusqu’aux vacances. Profiter des vacances pour recharger les batteries. Et quoi d’autre encore ? Souffre en silence bientôt tu auras moins mal, tu seras… en vacances ! Nouvel opium.
Je voudrais vivre au bord de la mer. C’est faisable. Je voudrais toujours du beau temps mais sans chaleurs accablantes. C’est plus difficile. Je ne voudrais plus travailler. Ce serait prématuré et risqué. Je voudrais ne pas avoir besoin de vacances.


Et puisque nous y sommes, que sont nos vacances cette année ?

Du bruit, beaucoup de bruit.

Nous sommes au-dessus d’une garderie. Une garderie pour jeunes enfants, dans un village de vacances.
Je ne comprends pas que l’on se débarrasse d’un petit enfant pendant les vacances. Un ado, je comprends, c’est même indispensable pour garder un peu de santé mentale, mais un tout petit, un bébé. Ils ont deux ou trois ans ces gosses. Ici pas d’acclimatation, pas d’étapes progressives, les enfants sont déposés… et manifestent leur mécontentement. On croirait que certain sont sacrifiés, qu’on les égorgent. Hurlements et cris de gorets. Enfants sacrifiés sur l’autel de l’égoïsme parental. A leur décharge, apprend on aux parents à être des parents ? De nounous en garderies et salles de classe, c’est une longue histoire de séparation qui les « lie » à leurs enfants. Comment pourraient-ils passer des semaines entières avec leur progéniture ? Comment l’envisager ?

Nous sommes à côté d’un groupe d’adultes handicapés mentaux.
C’est dur, car comme on n’apprend pas aux parents à s’occuper de leurs enfants, on ne sait pas réagir, on ne sait pas communiquer. « Bonjour », un sourire, c’est tout ce que l’on ose. Et quand la mauvaise radio commence à grésiller à 7h00 ou 7h30, on ne dit rien. De quel droit devrions nous dire quelque chose ? Et puis, il y a ses phrases, répétées sans cesse, toujours sur le même ton. Elles sont signes d’inquiétude ou d’insatisfaction si j’en crois la réaction des accompagnateurs. Comment pourrions-nous dire que la radio est trop forte, qu’elle nous gène ? Pourquoi mon plaisir d’avoir du calme serait-il plus important que celui de ces hommes qui profitent d’un moment de détente en chantonnant avec un camarade et en fumant sur des airs de musique ? Ce n’est ni de la pitié, ni un achat de bonne conscience. C’est chiant cette radio, certes. Devrais-je réagir comme je le ferais avec n’importe qu’elle groupe ? Je ne crois pas et ce sera ainsi jusqu’à la fin du séjour. Je ne « pense » pas devoir dire quelque chose de contrariant à ces adultes. Et je répète que ce n’est pas par pitié : je crois simplement que j’ai plus de chance, depuis plus longtemps. Alors mon « repos » peut attendre un peu.

Nous sommes entourés de pistes de danse.
Il est 5h30 du matin. Du fond de la nuit montent depuis le crépuscule les sons des danses tribales. Martèlement des rythmes par les grosses caisses et basses poussées au maximum. Evidemment, ce ne sont que les musiques des boites de nuit et des soirées à ciel ouvert. Mais l’on imagine réellement des foules en état de transe, dansant autour du feu, surtout dans un demi sommeil. Je me souviens d’un mauvais film de King Kong où la nuit apportait des bruits de danses sauvages.


De la bêtise, beaucoup de bêtise.

Comme cette famille qui faisait un scandale car elle devait attendre pendant qu’on lui cherchait une table. Abruti brailleur et femme crétinisée qui finirent par demander sur un ton hargneux de petit bourgeois plein de suffisance et de certitudes s’il fallait être handicapé pour avoir droit à une table rapidement : une personne en fauteuil roulant avec sa famille moins nombreuses – car ce couple à enfermer s’est reproduit un toute légalité – leur était « passé devant ». Nous avons changé de restaurant car la perspective de manger au même endroit que ces êtres dégénérés me faisait craindre d’intenses vomissements. La vomissure appelle la vomissure. Je leur souhaite plein de mauvaises choses et avant tout un grand coup de pied dans le cul pour madame et un grand coup de pied dans les couilles pour monsieur.

Ou encore ces parents qui ne nettoyèrent pas quand leur enfant se pissa dessus à table mais le changèrent juste de chaise. Pas une tentative d’essuyage, pas un mot d’excuse pour le serveur qui allait devoir éponger l’urine de leur chérubin.

Et ceux-là qui laissent leur enfant à la piscine, en plein soleil de 13h00 à 18h00. Peut-être fument-ils aussi en voiture. Sans doute conscients du problème grandissant des retraites, ils ont décidé une vie courte pour leur descendance.


Des luttes, beaucoup de luttes.

Savoir qu’il ne faudra plus partir avec quatre filles de 11 à 13 ans. De toute façon elles vont grandir. Mais il faudra se souvenir de l’agacement de les voir se changer quatre fois par jour, de leur maquillage, de leurs séances de lissage de cheveux, de leur impatience à quitter la table. J’ai du mal à supporter tout cela. Ces allures de stars de la chanson, ces attitudes de victimes de la mode et du petit écran. La perspective d’une sortie « éducative » comme la visite de lieux historiques les fait grimacer. Je ne crois pas que l’on doive être uniquement attiré par ce qui brille à cet age. Quelle place à la culture dans notre société ? Pas bien grande et certainement trop faible chez nous. Nous retournerons, mes enfants et moi, faire une tournée de musées à Paris. Et quelques monuments. Et puis des émissions sélectionnées. Il faut lutter. La culture c’est ce qui permet de faire ses propres choix, ses propres analyses de devenir un peu plus indépendant, moins manipulable.


De l’éclatement, un éclatement extrême.

A part notre petite semaine parisienne, je n’aurai pas passé de vacances avec mes quatre enfants. C’est la première fois. Aînée est en Bretagne chez ses grands-parents maternels. Deuxième majeure est partie une semaine avec son copain après avoir passé 3 semaines chez ses grands-parents maternels – merveilleux grands-parents maternels qui ont su souder cette famille – et travaille maintenant pour un job d’été très ingrat. Le garçon est resté avec sa mère pour recevoir son correspondant. Reste ma petite dernière qui s’échappe de plus en plus. Elle a un petit copain ici. Colère noire pour moi hier soir. Elle va trop vite. Il faut lui faire confiance. Nous en avons convenu avec sa mère. Disons qu’elle a réussi à me convaincre. Je vais lui faire confiance. Et puis il faut que j’analyse aussi ma réaction. Sans doute le fait de la voir s’amouracher d’un jeune garçon et par conséquent se détacher un peu plus de son « papa » me déplait-il. Quelle part cela a-t-il exactement ? Je ne sais pas. Je trouve en effet qu’elle va trop vite et surtout beaucoup plus vite que ses sœurs aînées mais il est certain que « je perds » mon dernier « bébé ». Et c’est normal… ainsi soit-il…


Des moments de presque ennui, de longs moments de presque ennui.

C’est divin de sentir que l’on va s’ennuyer. Rien à faire, pas de projet, on peut laisser couler, tout peut attendre. L’année est une course folle et là, plus rien que des moments dont on n’attend rien. Tout peut être inutile et reporté et reporté encore et finalement oublié. De longs moments où l’on peut laisser vagabonder son âme, voler, flotter de pensée en pensée. J’ai pensé… je ne sais plus, j’ai déjà oublié.


Je n’ai pas de but. Je marche et ma route croise celle d’autres personnes. La route de mes enfants est maintenant parallèle à la mienne et lentement, elle s’écarte. Celle de ma-dame a rejoint la mienne mais pour combien de temps ? J’ai retrouvé celle de mon père. Elle était si lointaine de la mienne que je ne la voyais même plus. Des milliers de routes, tout autour de la nôtre, des croisements, des virages plus ou moins serrés. Et au bout, la route plonge. La pente est plus ou moins raide mais au final, elle est verticale et lisse. On ne peut pas s’accrocher. On tombe, irrémédiablement.


C’est l’été. Le soleil se lèvera sur la mer. Le village au bout de la plage et la lande dessineront un paysage de far-west. La mer sera calme. En nageant je verrai sur le fond les rides d’un front plissé, tourmenté. Le mien sera lisse.

jeudi 5 août 2010

Un café à Paris

Mais il faudra que je raconte nos vacances... Les messages de l'an dernier à ce sujet restent d'actualité.